Féminisme
Féminisme
La télé-réalité nous paraît étrangère, on la regarde de loin en se moquant. Nous n’avons rien à voir avec ces programmes qui relèvent de la « culture du vide ». Vraiment ? Et si la télé-réalité n’était qu’un reflet exacerbé des travers de notre société ? C’est en tout cas ce que décide d’analyser Constance Vilanova avec un regard féministe qui lui a ouvert les yeux sur la réalité (la vraie cette fois-ci) d’un système qui a bercé son adolescence et dont elle ne pouvait se défaire. Pour illustrer ses propos, la journaliste s’appuie de ses heures passées devant les nombreux programmes qui ont fleuri sur les chaînes depuis le début des années 2000, d’articles de presse et de témoignages de candidates. Et pour conceptualiser ces phénomènes qui nous dépassent, elle étaye ses propos d’interventions d’auteures, de philosophes ou encore de sociologues. Constance Vilanova perce à jour des mécanismes qui ont construit ces programmes et se sont immiscés aussi dans notre société.
Iris Brey, spécialiste de la question du genre au cinéma et dans les séries nous partage une grille de lecture pour voir le cinéma autrement. D’un point de vue jusque-là occulté (pourtant existant !) qui ferait de la femme un sujet et non plus un objet. Une bien grande ambition quand on observe la manière dont sont mis en scène les films à l’écran. Car parler de female gaze, c’est avant tout parler de mise en scène, de la manière dont sont construits les personnages féminins, du point de vue duquel sont narrés leurs récits, leurs ressentis, leurs désirs. Un cinéma non essentialisant et non sexualisant comme point de départ d’un changement de mentalités, Iris Brey en est convaincue. Si elle introduit avec quelques bases théoriques (nécessaires et enrichissantes), elle ne manque pas d’étayer ses propos avec de nombreux exemples extraits de films que l’on ne manque d’ailleurs pas d’ajouter à notre liste de films à voir. A la fin, l’auteure remercie toutes les cinéastes de lui avoir ouvert les yeux. C’est à notre tour de vous remercier Iris Brey, pour nous ouvrir les yeux à votre tour.
« Les représentations modèlent la société ». Et ces représentations, ce sont des espaces ou se déploient pouvoir, parole et savoir et d’où sont exemptées les femmes. Terrible constat que nous expose Lauren Bastide dans cet essai truffé de chiffres, de références, de concepts qui nous aident à appréhender le féminisme dans son entièreté, dans une approche intersectionnelle. En trois parties pédagogiques et avec une plume fluide et accessible, Présentes est une prise de conscience indispensable à lire, relire et à conserver comme un puits de ressources.
Peut-on encore être galant ? En voilà une grande question à l’heure où s’affrontent libération de la parole sur les violences faites aux femmes et réclamation d’une liberté d’importuner. Dans un court texte, Jennifer Tamas s’en remet à l’histoire pour nous rappeler le sens d’un mot qui fait débat aujourd’hui, la galanterie. Il est intéressant de voir que l’on questionne un terme tout en se méprenant sur sa définition. L’auteur nous la rappelle et nous montre aussi son évolution au travers de textes longtemps oubliés. Car la galanterie est un concept originellement féministe qui a peu à peu été détourné et retourné contre les femmes. Et là où elle est désormais vue comme une « arme de domination masculine », elle pourrait bien être la clé pour (ré)ouvrir une « conversation entre les sexes » d’après les mots cités de Manon Garcia.
Romans contemporains / Poésie
« L’utopie d’une société sans secrets nous condamne au mensonge. »
Au travers d’une enquête pour disparition familiale, Lilia Hassaine nous plonge dans un monde où l’excès de violence a laissé place à un excès de bienveillance. Et ce, au nom d’une Transparence nécessaire pour maintenir l’équilibre du système. Plus de secrets, plus de mensonges ; tout se voit et tout se sait. Vraiment ? A mesure qu’Hélène enquête, la surface lisse du quartier huppé de Paxton s’effrite et laisse transparaître une vérité qui nous interroge. L’utopie présumée est-elle vraiment un idéal à atteindre ? Si le décor d’une société post-émeutes, aseptisée, oppressante, a tout pour composer un roman social et inviter à la réflexion, le soufflé de cette ambiance dystopique retombe un peu au fil des pages. Même l’enquête piétine, jusqu’à faire une pause d’un an. Cet aspect aurait pourtant mérité d’être davantage exploité. On reste un peu trop dans le roman d’enquête dont le dénouement peut d’ailleurs sembler un peu trop décorrélé du reste du récit. En revanche, Lilia Hassaine nous fait réfléchir sur un point. Les bases d’une société pérenne ne se trouvent ni dans un laxisme judiciaire, ni dans une intransigeance absolue au moindre trouble.
La manipulation est une forme de torture psychologique et peut-on vraiment résister à la torture ?
Dans Ta promesse, Camille Laurens nous rappelle la perversion d’une relation sous emprise, sa face cachée, presque imperceptible mais fatalement destructrice. Le début commence par la fin. On plonge dans une sorte de mise en abyme, un roman dans le roman. Qui parle, la narratrice ? L’auteure ? Ou peut-être les deux, Camille Laurens est connue pour infuser ses récits de bribes autobiographiques. Quoi qu’il en soit, on comprend dès le début qu’un drame s’est produit et que pour savoir comment on en est arrivé là, il va falloir remonter le fil d’une longue histoire d’amour, en apparence quelconque. On suit donc Claire qui relate son idylle avec Gilles, travaillant dans un théâtre de marionnettes – l’auteure a le sens de l’ironie. Elle s’adresse à son avocate en vue du procès, en n’omettant aucun détail, ce qui a de quoi nous impatienter. Puis on comprend. L’auteure veut percer à jour la complexité d’une relation sous emprise, à quel point il est difficile de l’identifier, non d’un point de vue extérieur et objectif, mais d’un point de vue intérieur, celui qui se lit avec les lunettes de l’amour occultant la méchanceté, la perversité, la manipulation. On voit rarement le problème ; c’est diffus, subtil, vicieux. Individuellement, chaque action semble anodine mais mises bout à bout, elles conduisent au pire, au drame. L’auteure ne manque pas d’utiliser des jeux stylistiques pour nous faire ressentir les états d’âme par lesquels passe la protagoniste. Comme lors du point de bascule où elle perd l’usage de la parole, les phrases sont alors saccadées puis s’opère une totale dissociation, Claire sort de la scène. Nous, on y reste, jusqu’aux dernières pages où même à ce stade de désillusion, Camille Laurens n’en démord pas. L’amour peut être beau, parfois. Ou par foi.
Dans son roman, David Foenkinos fait référence à une phrase de Flaubert partagée à Louise Collet : « Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien qui se tiendrait par la force intérieure de son style ». Peut-être n’y a-t-il là aucun parallèle dressé avec les ambitions stylistiques de l’auteur, pourtant, elle décrit à merveille sa plume. Bien sûr, il n’écrit pas sur rien, il écrit sur des histoires simples, banales. Non au sens où elles sont dénuées d’intérêts – avoir failli être choisi pour Harry Potter, tout de même ! – mais au sens où ce ne sont pas elles que l’on raconte.
Nous avons aisément imaginé la joie intense ressentie par Daniel Radcliffe, l’élu qui est devenu Harry Potter. A contrario, nous avons rarement pensé à son corollaire, celui qui n’a pas été choisi et dont la déception devait être toute aussi intense, si ce n’est plus. C’est ce destin dévié par le malheureux hasard, que l’auteur choisit de narrer. L’enfance de Martin Hill, 10 ans, aurait pu devenir un conte de fées – ou une fabuleuse histoire fantastique – mais, elle s’est transformée en cauchemar dans lequel chaque instant de vie semblait le maintenir.
« Ce qui est violent dans l’échec, c’est d’avoir perdu la maîtrise de son destin » dit David Foenkinos.
Et c’est ce qui caractérise la vie de cet anti-héros, se laissant aller comme on se laisser voguer sur une barque le long d’un fleuve, peu importe où celle-ci nous mène. L’auteur nous invite d’abord à s’interroger sur la manière dont on peut se reconstruire l’échec. Le protagoniste tentera tout sans hésiter à côtoyer l’absurde. On ressent de l’empathie pour celui qui n’a de cesse de voir à quoi aurait pu ressembler sa vie. Même si la suite de son existence n’est qu’une somme de choix dont il était cette fois bien responsable et qui ont délibérément contribués à sa chute. Et si l’on peut se questionner sur l’objectivité de l’échec, alors on peut le faire aussi pour le succès.
Le final du livre est une véritable réflexion sur la notion d’échec et de succès. Le succès n’a jamais le même sens pour celui qui le vit ou pour celui qui le voit. Ce n’est pas un état de fait que l’on atteint et qui chasserait d’office tous les nuages, nous exposant à un plein soleil toute notre vie durant. Tout au long du roman, nous avions l’impression d’une balance déséquilibrée entre Martin Hill et Daniel Radcliffe, entre l’échec et le succès ; l’un pesant bien plus lourd que l’autre. Mais à la fin, David Foenkinos réajuste cette balance, tout autant que notre sagesse sur notre quête insatiable de succès.
Remuant avec fracas dans notre esprit, nos pensées vont et viennent comme des vagues sur le rivage. Flore Perrault nous a laissé écouter le bruit de ses vagues à elle. En plusieurs parties aux noms iodés, l’auteure nous plonge dans son passé écorché par les violences conjugales. Des premières désillusions jusqu’à la guérison en passant par toutes les émotions, elle parvient à poser des mots sur ses blessures. Et si au début, la houle est forte, petit à petit la marée redescend pour laisser place à un horizon où triomphent calme et sérénité.
Dans ce roman, on suite un médecin, Jean, qui essuie les larmes de tous ses patients mais est incapable de laisser couler les siennes depuis la mort de cet enfant. A quel point l’impossibilité de pleurer révèle un mal-être intérieur ? A travers ce personnage aux accents autobiographiques, Baptiste Beaulieu relate ce que c’est d’être médecin aujourd’hui, avec ces petites joies, qu’il est bon d’encrer sur papier comme des gouttes d’espoir quand les cœurs s’assombrissent. Mais aussi avec ces grandes peines. Il parle d’ailleurs de ce que c’est de travailler dans le milieu médical. Comment peut-on espérer d’un système qu’il nous guérisse quand lui-même est gravement malade ? Son cabinet médical est une fenêtre ouverte pour appréhender les maux de notre société. Dans sa salle d’attente se reflètent les discriminations auxquelles les minorités et les femmes – les frangines – sont incontestablement majoritairement confrontées. Et si le diagnostic est grave, Baptiste Beaulieu parvient à nous le retranscrire avec simplicité, douceur et parfois même avec humour. Sa plume est pleine d’empathie, de bienveillance et c’est parfois tout ce dont on a besoin.
Quel vœu faisiez-vous lorsque vous souffliez vos bougies à vos anniversaires ? Pour Cléo c’est le même depuis toujours, être célèbre. C’est simple, elle ne veut rien d’autre et atteint son objectif. Mais tous ceux qui aspirent à devenir une personnalité publique devraient lire ce roman avant car la face cachée est bien plus sombre qu’on ne le pense.
Maud Ventura nous plonge de l’autre côté du miroir de la célébrité, celui que l’on ne voit pas et qu’en fait, on n’imagine même pas. C’est vrai après tout, quand on a tout et surtout l’argent, comment être malheureux ? Le récit de son ascension se fait à la première personne, alors que Cléo est devenue mondialement connue et s’accorde des vacances en solitaire sur une île déserte. Cette prise de parole au point de vue unique accentue davantage la sensation de mégalomanie que l’on ressent chez la protagoniste. Les phrases sont courtes, donnant parfois une impression d’urgence comme celle qui l’habite à l’idée de devenir une star. Si la lecture est faite pour nous déconnecter, Cléo le fait pour nous, tant elle n’a plus les pieds sur terre. Elle s’est bâti une autre réalité – elle va d’ailleurs jusqu’à projeter sa célébrité sur son personnage virtuel des Sims ! – jusqu’à oublier qui elle est et ce qu’elle veut. A mesure qu’elle possède de plus en plus d’argent, c’est elle-même qui est dépossédée de son humanité.
« La célébrité n’est pas une victoire, c’est une vengeance » dit-elle et de fait, tout au long du roman, Cléo se venge sur tout le monde. Elle est frustrée, en colère, hargneuse. Détestable. Les coups bas, le cynisme et l’hypocrisie règnent en maître si bien que parfois, c’en est presque long et un peu lassant. L’auteur dresse une critique de la célébrité autant que du culte qu’on lui voue en tant que simple admirateur. Qui adule-t-on vraiment ? Mais surtout, à quel point tout cela n’est que la mise en scène d’une façade sur laquelle une industrie projette nos envies et nos fantasmes pour la gloire financière ? Néanmoins l’auteur nous rappelle l’essentiel, « on n’est célèbre que dans le regard des autres ». A méditer, et à lire (mention spéciale pour la fin du livre que l’on ne voit pas venir !).
« C’est cela, ou cela devrait être ça, un procès : au début on dépose la souffrance, à la fin on rend la justice. »
Si l’on souhaite parler de devoir de mémoire alors ce livre en est, à mon sens, un témoin. V13 est à la fois un récit à une voix, celle d’Emmanuel Carrère, mais aussi à plusieurs, celles de ceux qui ont eu un lien direct ou indirect avec les attentats du 13 novembre 2015. L’auteur nous accorde une place sur son banc pour assister à ce procès historique auquel il faut avoir le cœur bien accroché car on passe par toutes les émotions. On appréhende en même temps les rouages de la justice, d’un procès. Emmanuel Carrère retranscrit avec justesse cet événement, tant dans son déroulé que dans les témoignages poignants. C’est une lecture essentielle, bien que dure. Ce livre est le récit d’un moment historique qu’on espère ne plus jamais avoir à revivre.
Premier roman, première réussite ! J’ai dévoré le livre de Claire Jéhanno qui réunit tout ce que j’aime, une plume qui se lit facilement et qui en même temps, nous oblige parfois à s’arrêter durant la lecture pour la simple beauté d’une phrase, d’un passage. Tout ça inscrit dans une intrigue contemporaine qui permet à la fois d’appréhender les mécanismes d’un procès – du point de vue d’un juré d’assises – et en même temps d’aborder des sujets plus intimes. Ici, on plonge dans l’enfance d’Anna Zeller, la personnage principale tout en évoquant la complexité des liens familiaux mais aussi la difficulté, parfois, à déceler la vérité. Car elle n’est pas toujours la plus évidente, et est parfois plus dure à voir qu’on ne le pense…
Si vous aviez l’occasion d’écrire quelque chose sur votre tombe, qu’aimeriez-vous laisser ? Et que voudriez-vous que les gens retiennent de vous à votre enterrement ? Des questions qui semblent sordides – tant on est invité à repousser la mort le plus loin possible pour en être affecté le plus tard possible – et qui ont pourtant été une véritable thérapie de vie pour Eric Kherson.
La mort plane sur ce livre du début à la fin de l’histoire. Elle est même dans le titre, « La vie heureuse » qui est la traduction d’Happy Life, un concept qui vise à simuler sa mort pour mieux apprécier la vie et auquel s’est prêté le personnage principal. Pour autant ce livre n’est pas triste, il est une ode à la vie.
La vie est un long chemin sur lequel on espère croiser le bonheur et continuer notre route à ses côtés. Mais arrivé à un point de rupture, Eric Kherson se rend compte que tous les détours effectués – comme autant de points d’étape permettant de remplir les cases de la réussite sociale – ont non seulement sinuer le chemin, mais l’ont aussi éloigné de ce compagnon tant recherché. Dans ce roman, le personnage principal se questionne sur cette idée d’ascension sociale qui témoignerait davantage de notre capacité à suivre – avec docilité – le chemin qui a nous été imposé que nos envies profondes et personnelles. Alors Eric Kherson a pris un nouveau départ en partant de la fin. Car cette histoire, c’est celle d’un homme qui a retrouvé la vie en faisant face à la mort, aussi fictive soit-elle dans le roman.
C’est le premier livre de David Foenkinos que je lis, et ce ne sera probablement pas le dernier. J’ai aimé sa plume, qui dans sa simplicité, parvenait à toucher et à faire réfléchir. L’histoire est ancrée dans la réalité, évoque des enjeux plus que jamais contemporains sans que ce soit difficile à lire.
« Sarà perché ti amo » est un de ces romans qui se lisent sur le sable chaud, peut-être même dans lesquels on aimerait être plongé… Ou presque. Car derrière les histoires en apparence idylliques d’Alba et Gabrielle se cachent bien des doutes et des peurs qui présagent une remise en question de la vie et de ses fondations vacillantes. Et bien sûr, cela arrive toujours quand on s’y attend le moins, lorsqu’on met la vie en pause le temps d’un été.
Serena Giuliano, elle, ne fait pas de pauses dans l’alternance des points de vue des deux protagonistes. Un rythme qui nous donne l’impression d’être là, dans un coin du salon, à l’angle de la terrasse de la belle demeure d’Alba et Valentin. Sans négliger les immersions dans le panorama italien – gastronomie comprise – l’auteure va droit au but et ne s’encombre pas de phrases complexes ou de détails qui feraient traîner en longueur. Mais c’en est un peu trop léger… La psychologie des personnages manque parfois de profondeur et mériterait d’être davantage creusée. Et si l’histoire est fluide, c’est peut-être aussi par un excès de facilité.
En revanche, cela nous place presque dans un sentiment d’urgence. Les vacances ont une fin et on sait qu’avec celle-ci, adviendra les réponses aux dilemmes qu’affrontent les deux femmes. On a envie de savoir quels choix elles vont faire, ceux du cœur ou de la raison. L’une d’elles confie, « parfois, on a besoin de se perdre dans un chemin de traverse pour apprécier de retrouver la bonne voie ». Il faudra suivre Alba et Gabrielle jusque dans le bateau du retour pour découvrir celles qu’elles ont chacune empruntées. Une lecture rapide et feel good qui nous ferait prendre un aller simple pour la dolce vita de Procida…
Thrillers psychologiques
Je vais probablement aller à l’encontre des nombreux éloges que je lis de ce roman mais je n’ai pas apprécié « Les revenants » de Laura Kasischke.
L’auteur nous plonge dans le milieu universitaire américain et ses facettes les plus sombres que les murs des résidences étudiantes occultent. Il y a aussi la mort qui plane tout au long du roman et se balade dans les moindres recoins de Godwin Honors Hall. Et bien sûr, cette disparition mystérieuse de Nicole Werner dont les comptes rendus officiels semblent remplis de zones d’ombres que personne ne souhaite éclairer. C’est ce mystère qui m’a tenu en haleine et m’a donné envie d’aller au bout de ce roman polyphonique. Car autrement, j’ai eu le sentiment de devoir m’accrocher pour que, chaque fois que je revienne à un personnage, je parvienne à garder le fil. Les allers-retours entre le passé et le présent sans transitions n’aidant pas.
Et pourtant, je ne lâche pas, j’ai le sentiment que la vérité qui nous attend au bout de ces 600 pages sera inattendue et à la hauteur de la complexité de l’intrigue déroulée par Laura Kasischke. Mais voilà le problème. A mon sens, ce final est décevant. Le dénouement n’en est pas vraiment un, non qu’il soit bâclé car on comprend la vérité en surface – et elle tient debout – mais il manque pour moi de précisions et de détails.
Je pense tout simplement ne pas être adepte de la plume de Laura Kasischke. Mais je dois tout de même reconnaître qu’elle a l’art de créer un environnement inquiétant, troublant, dérangeant dont on ne peut s’échapper sans avoir le fin mot de l’histoire.
Est-ce que j’ai aimé Esprit d’hiver de Laura Kasischke ? Encore aujourd’hui, j’ai du mal à savoir… Tout ce que je sais, c’est qu’il faudra que j’y revienne un jour, que je le relise en ayant à l’esprit cette fin qui m’a laissée sans voix. Mais ne vous inquiétez pas, je n’en dirais pas plus.
Le roman nous plonge dans ce qui s’annonce être une des plus belles journées de l’année, celle de Noël. Mais le désenchantement ne tarde pas à frapper à la porte du foyer d’Holly, son mari Eric et leur fille Tatiana. Dès le réveil, Holly le sent, quelque chose les a suivis jusque chez eux depuis la Russie, lieu d’adoption de leur fille. A mesure qu’elle se répète cette phrase inlassablement, les événements étranges s’enchaînent. Le comportement troublant de Tatiana ne fait qu’ajouter à la confusion et l’atmosphère devient étouffante. Ça en devient presque irréaliste et pourtant, cette journée a bien lieu et il y a une raison à cette douce descente aux enfers. Dans ce huis-clos glaçant, la réponse ne peut que se trouver là, autour de nous, dans cette petite maison qui peu à peu prend des airs effrayants et dont on aimerait sortir.
Indéniablement, Laura Kasischke maîtrise le genre du thriller psychologique à merveille. Un véritable malaise s’installe et on tourne les pages inconfortablement, se demandant ce qui va suivre. Pour autant, j’ai moins apprécié le rythme, long, très long ; l’histoire ne se déroulant que sur une seule journée et dans un seul lieu que seuls des souvenirs de l’adoption de Tatiana ponctuent. Jusqu’à la dernière page, l’auteur sème le doute – faites bien attention de ne pas la lire par erreur ! Et je dois avouer ne pas avoir été convaincue, peut-être parce que Laura Kasischke semblait nous mener (ou n’est-ce que mon imagination) vers une piste qui se révèle finalement être une impasse. Quoi qu’il en soit, vous ne vous y attendrez pas !
Lire un roman de Claire McGowan, c’est vivre l’expérience du personnage principal qui sombre dans une spirale infernale, nous entraînant avec lui. Alors qu’Alison mène une vie idéale, tout bascule le soir où elle organise une réunion d’anciens amis de son école – Oxford bien entendu. La soirée vire au drame quand sa meilleure amie accuse son mari de l’avoir violée…
Dans les romans de cette auteure, on ne s’ennuie pas. Les événements s’enchaînent, les rebondissements affluent et l’écriture est simple et fluide, ce qui rend la lecture addictive. Quand on pense que la situation ne peut empirer, un événement prolonge un peu plus la chute des protagonistes. Ce que j’apprécie aussi, c’est cette manière de distiller au sein du thriller des actions minimes, des détails qui semblent être là uniquement pour étoffer l’histoire et qui d’un coup deviennent des moments de bascule.
Au-delà de l’intrigue, l’auteur n’oublie pas d’aborder des sujets sociétaux actuels. Sur fond de féminisme, elle interroge les rapports de domination qui s’inscrivent dès les études supérieures et nous conditionnent à un schéma de vie spécifique. Elle aborde aussi la question du viol et du consentement. Alison, fervente féministe et engagée dans une association de lutte contre les violences faites aux femmes se retrouve face à un dilemme, croire sa meilleure amie ou faire confiance à son mari ? Un débat qui ne cesse d’agiter les foules lorsque des accusations sont prononcées et qui révèle toute la complexité de ce type d’affaires.
Je vous recommande « Personne ne doit savoir » sans hésiter car en plus de vous faire passer un bon moment de lecture, ce livre vous amènera à réfléchir sur cette notion de « réussite sociale » et ce qu’elle implique selon que l’on soit un homme ou une femme.
Je n’avais pas prévu d’acheter « Ouvre-moi » de Claire McGowan. A la librairie, j’étais venue pour autre chose et puis comme ensorcelée – pour rester dans le contexte – je me retrouve attirée par ce roman.
L’histoire nous immisce dans la vie d’Helen et George qui s’apprêtent à commencer une nouvelle vie dans les Cornouailles. Laissant respectivement derrière eux une carrière de médecin et une carrière de journaliste toutes deux mises à rude épreuve. Mais la prétendue maison du bonheur qui les attend va faire ressurgir les secrets de chacun. Et ce qui devait être un nouveau départ se transforme alors en cauchemar.
Nous isolant dans ce petit village de Little Hollow aux installations vétustes et aux habitants revêches, l’auteure installe une ambiance pesante et inconfortable. On aimerait repartir à Londres avec les deux protagonistes, retrouver la foule et l’animation urbaine qui nous apparaissent alors comme rassurantes. Dès leur arrivée, Helen a le sentiment que quelque chose cloche et nous aussi. Très vite, Claire McGowan distille quelques éléments qui nous donnent un aperçu de l’histoire qui va suivre. C’est presque facile. Mais la véritable intrigue se trouve à l’opposé de celle imaginée.
Ne jamais se fier aux apparences, voilà ce que nous rappelle l’écrivaine. C’est véritablement la force de ce thriller qui nous montre que la vérité n’est pas toujours celle que l’on croit, qu’en creusant, en multipliant les points de vue – ce que fait le roman – des nuances apparaissent. Dans cette histoire, coupable et victime s’entremêlent pour former un puzzle complexe que l’on parvient tout de même à mettre en ordre à la fin. Mais seulement à la fin, car attendez-vous à des rebondissements jusqu’à la dernière page.
En conclusion, je recommande ce thriller psychologique parfaitement bien ficelé, angoissant et haletant ! Rien de surnaturel contrairement à ce que pourrait laisser présager le résumé. On est aussi amené à réfléchir sur la notion de justice, sur le bon comportement à adopter quand on se retrouve dans une situation interdite… Je n’en dis pas plus pour convaincre, comme l’exige le titre, il ne vous reste plus qu’à ouvrir ce livre…
Tout ce qu'on ne s'est jamais dit est comme un vase qui se remplit goutte à goutte et finit – toujours – par déborder !
Le roman commence par cette phrase « Lydia est morte. Mais ils ne le savent pas encore. », un subtil écho à L'Etranger d'Albert Camus ? Quoi qu'il en soit, elle impose d'emblée le décalage créé entre les différents membres de la famille Lee. Alors que tous se questionnent sur la cause de cette tragédie, Celeste Ng nous invite à remonter le temps dans le passé de chacun pour comprendre. le tout dans une Amérique des années 60 et 70 où racisme et sexisme condamnent des vies.
Chaque page tournée creuse un peu plus la fissure entre ces personnages que seul le lien du sang continue de fédérer. Aucune famille n'est parfaite, ou bien seulement en apparence. Mais comme le montre l'auteur, l'obsession du paraître ou de la volonté de se conformer laissent des traces dévastatrices. Celeste Ng aborde autant les questions identitaires et sexistes que les crises d'adolescents ou la hiérarchie entre frères et sœurs qui conditionnent notre esprit et parfois même notre destin. Les blessures s'accumulent et c'est comme une cascade qui se déverse sur chaque protagoniste ne laissant personne indemne.
J'ai bien aimé ce roman, bien que je ne m'attendais pas à ce que l'histoire nous plonge dans le passé, se concentrant sur l'avant drame, plutôt que l'après. Mais il faut bien l'avouer, l'auteur sait faire habilement monter la tension jusqu'aux dernières pages, tout en finesse et en intelligence. le rythme peut parfois sembler lent (les chapitres sont peu nombreux mais longs), l'auteur prend presque son temps, à la manière de tous ces non-dits, ces comportements presque imperceptibles qui consument à petit feu et nourrissent les frustrations et les rancœurs jusqu'à l'inévitable. Nombreux devraient être les parents à s'interroger sur ce qu'ils laissent en héritage à leurs enfants après avoir lu ce livre. On choisit celui qu'on laisse, mais pas celui qu'on reçoit. On choisit ses lectures aussi, et celle-ci vous pouvez y aller !